--. Le Clézio

l’écrivain nomade, aux premières loges du succès littéraire francophone.
Texto: Group B · NA 2
44 ans après avoir été décerné à un écrivain de langue française, la littérature francophone fait la fête, grâce à Le Clézio. Le prix Nobel de littérature 2008, a eu l'amabilité de répondre aux questions des élèves de l’Ecole de Langues de Pampelune pour le magazine Vox Populi.

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Vox Populi: Avoir reçu le Prix Nobel de Littérature 2008, va-t-il métamorphoser votre vie professionnelle?
Le Clézio: Pas du tout. Le prix est une reconnaissance d'une oeuvre qui comprend plus d'une cinquantaine de livres: des contes, des romans, des essais, des nouvelles... Pour l’instant, je ne sais pas quel sera l’effet dans mes nouvelles créations littéraires à paraître. Quant à ma vie personnelle, il est certain que l’argent me permettra de disposer de plus de temps pour penser à mon prochain projet, et cela rend mon esprit calme.

VP: Aviez-vous jamais rêvé d’arriver si loin dans le domaine littéraire?
LC: Vraiment, c’est le rêve de tout écrivain. Je me suis senti ému et touché par la reconnaissance. C’est un privilège d’avoir été élu et d’être le dernier lauréat français, comme mon admiré Jean Paul Sartre en 1964. Personnellement, ce qui compte vraiment, c’est le soutien moral que le prix remporte.

VP: Quel petit coin dans le monde choisiriez-vous pour écrire un nouveau roman?
LC: Quand j’habitais en Afrique, je suis tombé amoureux d’un village qui était au bord de la mer. Cet endroit me transmettait la douceur et la paix, et je me sentais très inspiré pour écrire. Je trouvais l’inspiration à chaque fois que je regardais son paysage et cela ne m’est arrivé nulle part dans le monde.

VP: Très intéressant. Mais, peut-être vos lecteurs voudraient en savoir un peu plus de cette merveille inconnue pour la plupart d'entre eux. Quel est le pays africain de vos rêves?
LC: Je ne serais pas capable de choisir parmi les pays africains. L' Afrique est au delà des pays qui la forment; C'est une perception de la vie remplie de couleurs, de sensations, d'odeurs.... bien que le Nigeria et l`Île Maurice, où j'ai vécu pendant si longtemps, me soient particulièrement chers.

VP: Avoir vécu votre enfance à Nice pendant la seconde guerre mondiale, est-ce que cela a influencé votre vie et la façon d’envisager l’avenir?
LC: Nice était une ville qui avait échappé au drame de la guerre. Elle recevait beaucoup d’étrangers qui échouèrent pendant l’après-guerre. Passer mon enfance parmi tous ces gens, de différentes nationalités et cultures, m’a énormément enrichi. Le sentiment de ne pas appartenir à aucun pays, que j’ai eu là-bas, est resté avec moi toute ma vie au point de me faire sentir toujours citoyen du monde.

VP: Monsieur Le Clézio, vous avez dit que votre mère vous avait beaucoup inspiré. Est-ce que vous aimez écrire sur quelqu´un de lié à vous, sur vos proches?
LC: C´est bien d´écrire des romans. Quand vous écrivez des romans vous changez de personnalité et c´est délicieux de changer de personnalité, d´entrer dans la peau de quelqu´un d´une autre époque, d´un autre sexe et de s´identifier totalement à cette personne. Les romans permettent de glisser des éléments personnels, de survoler l´histoire, de ne pas être juste un chroniqueur.

VP: Vous êtes un écrivain phare de la diversité culturelle, apôtre de la différence, pourriez-vous nous dire ce que la littérature est pour vous?
LC: J´ai toujours cru que la littérature était comme la mer, ou plutôt comme le vol d´un oiseau au-dessus de la mer, glissant très près des vagues, devant le soleil. En outre, la littérature est un moyen de nous exprimer librement sans cesse, sans barrières, sans jamais avoir de but.

VP: Parmi les auteurs contemporains, qui sont vos préférés?
LC: J´aime bien Marie Darrieussecq, avec qui je sens beaucoup d´affinités. J´apprécie sa façon d´écrire sur le monde, comme s´il était une extension d´elle-même, perçu par ses fibres nerveuses et non par l´intellect. J´aime aussi la littérature des pays francophones hors de la France. Alain Mabanckou est quelqu´un d´étonnant, Wilfried N´Sordé, l´écrivain congolais qui a écrit "Le cœur des enfants léopards", aussi.

VP: Quel est l´auteur qui vous a inspiré dans votre enfance?
LC: Albert Camus, mais aussi des livres comme «Lazarillo de Tormes», «Quichotte», «Souris et des hommes », «L'idiot», «Senilità», «Tandis que j'agonise», «Gil Blas », «Père Goriot», «Nana», «Sans famille», et tant d'autres.

VP: D´après votre début avec «Le procès-verbal», jusqu´á «Ritournelle de la faim», vous avez écrit une grande quantité de livres sur des domaines variés, pourquoi une telle profusion d´œuvres?
LC: Pour moi, l´écriture est une question de vie, elle exprime mes expériences internes et externes. C´est une question de besoin intérieur, qui est conditionnée à chaque étape de ma vie, à mes voyages, à mes expériences vitales et à mes sentiments.

VP: Le titre du suivant livre à paraître…
LC: Peut-être mon prochain voyage. Mais maintenant je suis en train de faire beaucoup d'interviews, d'être invité à des évènements, alors je dois mettre en ordre et reprendre ma vie. Quand tout ça finira, je pourrai penser à une histoire...

VP: Monsieur Le Clézio, vous avez dit à l’occasion d’un entretien que la langue française était votre seul pays. Pourriez-vous expliquer cela?
LC: Ce que je veux dire c’est que je me sens un citoyen du monde, un routard, celui qui n’appartient pas seulement à une ville ou à un quartier mais au monde entier. La langue est, alors, un signe d’identité. C’est pourquoi, bien que je sois bilingue, j’ai choisi le Français pour écrire. Et j’aime la francophonie. La langue française a reçu des apports de tous les coins du monde et cela est merveilleux.

VP: Certains croient que votre usage de la langue française dès le début de votre création littéraire est comme une rébellion particulière. Êtes-vous d’accord?
LC: Bon, beaucoup de gens me considèrent un rebelle, mais je ne crois pas que je le sois. J’ai toujours lutté contre l’injustice et pour les gens les plus défavorisés. À l’époque où je vivais en Angleterre l’idée de commencer à écrire en Français semblait une façon de s’opposer à la colonisation de l’île Maurice. La «langue bâtarde» m’a uni aux cultures anciennes et aux Indiens.

VP: M. Le Clézio, merci d'avoir répondu à nos questions. C'est un grand plaisir pour nous d'avoir pu partager ce moment. Nous vous souhaitons un très grand accueil du public pour vos prochaines créations.